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éléments de définition
pour un musée dhistoire
Lobjectif dun musée dhistoire
est de présenter des collections et des sites en permettant
la reconstruction problématique du passé, pour une mise
en perspective du présent. Cela suppose que, sans récuser
lutilité de toutes les techniques comme aide à
lappréhension pour le public, le musée dhistoire
reste un lieu de conservation de pièces originales. Cependant,
dans le cas de sites, la nécessité de préservation
passe souvent par une dissociation spatiale entre le site et son système
dexplication.
Enfin, la reconstruction problématique du passé suppose
de sécarter, dune part de la simple exposition
dobjets ou duvres sans organisation et sans appareil
critique, dautre part de parcours démonstratifs ne comportant
aucune mise en question et ne laissant pas de libre arbitre au spectateur.
haut
histoire et mémoire
Le musée dhistoire nest quun
des vecteurs de lhistoire. Il se place à lintersection
daspirations et de pratiques très différentes.
Il uvre en fonction dacteurs (état, collectivités
territoriales, chefs dentreprise...). Il doit retranscrire les
avancées des scientifiques, vulgariser la recherche. Il correspond
à des attentes parfois divergentes du public. Son offre génère
des produits ou agit parallèlement à dautres manifestations
: spectacles historiques, livres, émissions télévisées,
cédéroms, sites Internet... Enfin, il ne constitue quun
des agents de la préservation doeuvres, documents ou
reliques, à côté de particuliers, de collectionneurs
et de groupements organisés.
Au sein dun tel cadre, il apparait aujourdhui nécessaire
de différencier histoire et mémoire,
qui ne relèvent pas du même exercice. Dans lintroduction
aux Lieux de mémoire, Pierre Nora opposait l« absolu »
dune mémoire pouvant relever du mythe et contrevenir
aux faits, à la reconstruction problématique du
passé propre à lhistoire, interrogation
face aux documents de toute nature.
Le musée contient ces deux dimensions. Il conserve les pièces
de lhistoire, tout en intervenant sur un terrain de lordre
de la mémoire. Il met en question ses collections et ses sites
grâce à une collaboration avec des scientifiques, mais
préserve une dimension mémorielle présentée
comme telle (et pouvant être contradictoire).
Les sites, eux, demeurent fondamentalement des lieux du souvenir,
où lémotion première réside dans
la confrontation avec la puissance évocatrice des espaces et
des objets. Des salles de musée à lordonnancement
singulier peuvent dailleurs devenir des sites. Lhistoire,
cest-à-dire la mise en question de ces sites, ne saurait
venir entraver un contact direct. Elle intervient alors de façon
adjacente, avant ou après la visite.
En revanche, lélaboration de véritables parcours
dhistoire nécessite dorganiser les objets selon
un déroulement construit permettant, non pas dimposer
un point de vue, mais de restituer un aspect particulier, de donner
des éléments de compréhension, dapporter
des questionnements, sans empêcher la délectation esthétique
face aux pièces originales.
En complément, des éléments
sensibles de lordre de la mémoire sinsèrent
et permettent au public dincarner mentalement ce qui, sans cela,
ressemblerait à de simples restes de lhistoire.
Le témoignage, signalé comme tel, et pouvant comporter
des erreurs historiques, sert de transmission vers les visiteurs.
Le musée (ou lieu historique) a une mission de restitution.
Il est déontologiquement redevable à lensemble
de la société. Dans ce sens, il ne peut être lotage
dun acteur particulier de lhistoire et devenir le porte-parole
dun groupement politique, le propagandiste de laction
dune tutelle, le réceptacle du discours émis par
une organisation déterminée.
Sa démarche scientifique impose de confronter tous les points
de vue (et toutes les mémoires). Dans le cas de sujets très
éloignés dans le temps, cest le public lui-même
qui devient le témoin de lhistoire et cest alors
au musée dexpliquer la fortune critique, la contradiction
entre les mythes collectifs et leur rapport avec ce que la recherche
peut savoir des personnages et des événements.
Cependant, le musée a aussi pour tâche de veiller à
respecter les agents de la mémoire, à accompagner leur
inévitable sentiment de dépossession. Lintervention
directe des acteurs au musée ou dans le site, quand cela est
possible, peut favoriser la restitution. Le recueil dun ensemble
de témoignages garantit pour lavenir des sources mémorielles
précieuses, si possible multiples, croisées, tant approches
et parcours savèrent singuliers.
Histoire et mémoire se complètent. Elles ont donc leur
place au musée. Mais une place différenciée.
Le plus grave demeure en effet la confusion des genres ou la disparition
dun des termes. La mémoire ne saurait exclure un questionnement
scientifique de ce sur quoi elle opère et comment elle sest
constituée. Lhistoire ne peut omettre la dimension sensible,
incarnée, affective, le savoir des acteurs, ou considérer
le public comme exempt dune perception collective des événements
passés. haut
que faut-il conserver ?
Il nexiste pas de limite à la définition
dun document dhistoire. Tout en théorie présente
un intérêt et peut être conservé. Le travail
premier dun musée dhistoire consiste donc à
réfléchir quil se constitue ou quil
existe depuis de nombreuses années à son projet
scientifique et culturel.
En effet, hormis des raisons matérielles (manque de place ou
déquipements adéquats), seul ce projet permet
de fixer des bornes quaucun argument intellectuel nimpose.
Un tel projet se définit en fonction dun réseau,
cest-à-dire en complémentarité avec des
collections déjà existantes. Même dans le cas
de musées de territoire ou de musées de période
historique aux ouvertures parfois dordre encyclopédique,
la réflexion sur les points forts dune situation locale
(et, quand cest le cas dune collection déjà
existante) permet de développer ce quil faut considérer
comme des pôles de référence. Pareils pôles,
cherchant à diversifier la nature des pièces gardées,
sinscrivent alors dans le tissu général en se
complétant et en évitant des redondances inutiles, coûteuses,
stériles.
Dans un tel cadre, des dépôts peuvent être envisagés.
Par ailleurs, les propositions de donations ou dacquisitions
sont aiguillées vers les musées les plus adéquats.
Ces dons ne peuvent en aucun cas être conditionnés par
une présentation permanente. Ils sont insérés
dans une collection détude lorsquil y a impossibilité
de refus, absence dinstitution parallèle intéressée,
redondance par rapport à des pièces existantes, doute
quant à lintérêt de leur sauvegarde.
Un conseil du musée se prononce périodiquement sur laffectation
de certains éléments de la collection détude.
Ils peuvent être cédés à dautres
collections publiques, vendus, détruits.
Le Conseil des musées dhistoire en France rappelle enfin
son attachement à laspect inaliénable des collections
publiques, indispensable pour la recherche et dont la rareté
nest ni fonction de la date de création, ni du procédé
de création (une pièce industrielle multipliée
peut être devenue unique).haut
le musée est-il un agent de développement
local ?
Dévidence, le musée est un
agent de développement local. Il fait partie du paysage de
proximité et constitue un élément daménagement
du territoire. Il crée des emplois et suscite, par lattraction
quil exerce, des emplois induits. Ses possibilités sont
multiples.
Le musée a un rôle culturel, pédagogique, économique,
identitaire et de lien social. Cela incite à souligner les
multicompétences qui sont demandés à sa direction,
sans souvent que ne soient prévues des équipes spécialisées
en conséquence.
Sur un autre plan, il importe de souligner la grande disparité
des situations géographiques. Quel rapport entre un musée
parisien et un musée implanté, comme celui de Péronne,
dans un lieu sans tradition muséale ? Faut-il tout attendre
du musée ? Ny a t-il pas parfois non complémentarité
et même opposition entre sa fonction culturelle et sa fonction
économique ? Le musée reste un conservatoire, son
rôle, son devoir consiste aussi à organiser des opérations
non rentables. Par ailleurs, laspect identitaire ne peut-il
sopposer à la mise en place de pôles touristiques ?
Le musée connaît indéniablement des limites en
termes daccueil, de fluxs, de qualité de visite. Son
message dessine une perpétuelle interférence entre le
local, le national et linternational.
Dans ce cadre, les musées et lieux dhistoire ont certainement
un rôle particulier à jouer dans la mesure où
les études le montrent ils peuvent concerner
des couches de population qui ne vont jamais au musée. Cest
donc bien à une politique culturelle adaptée quil
faut réfléchir, adaptée aux publics actuels et
aux publics potentiels.
Cela pose parallèlement avec une certaine gravité la
question de laménagement du réseau des musées,
souvent crées de manière anarchique sans concertation
et sans réflexion sur lexistant. Le musée est
donc indiscutablement un agent de développement local, mais
le musée ne réussit sa mission que lorsquil est
conçu dans un lieu et avec des équipes profilées,
au sein dun réseau où il affirme sa singularité,
assurant sa pérennité. haut
la mise en scène de lhistoire
La terminologie « mise en scène »
et non « scénographie » indique bien
les enjeux en cours : à travers lexposition, le
musée se trouve en concurrence avec les parcs de loisirs et
les spectacles historiques. Il sen distingue par plusieurs aspects.
Dabord, le musée ou le site historique
reste fondamentalement un conservatoire. Voilà pourquoi, même
mis en scène, il présente des pièces originales
(de toute nature et pouvant appartenir à lextrême-contemporain).
Par ailleurs, il met en uvre la traduction dans lespace
muséographique du savoir. Dans ce but il travaille avec des
scénographes extérieurs. Ainsi le parcours évite
deux écueils : laccumulation dobjets non pertinents
et sans liens entre eux ou, à linverse, lintrumentalisation
de pièces muséales leur disparition même
dans un spectacle à messages réducteurs.
La question de la permanence dune présentation au public
soulève celle de lidentification dun lieu à
quelques signes forts. Il importe en effet doffrir des repères
et des points daccroche. Ceux-ci constituent limage de
linstitution.
En revanche, il semble désormais inconcevable de bâtir
un parcours permanent intangible, car les collections, les recherches
scientifiques, les goûts des publics et les modes de présentation
changent. Aussi, la solution réside dans la mise en place des
offres permanentes modulaires. Constituées de « tranches »
élaborées au besoin avec des scénographes différents,
elles peuvent être renouvelées par module comme des expositions
temporaires, créant à chaque fois un nouvel événement.
Certains de ces modules, devenus des repères attendus, peuvent
cependant être maintenus 10 ans ou plus et assurer une visibilité
permanente de létablissement.
Il faut en effet intégrer lidée dune capillarité
des publics aux attentes différenciées. Voilà
pourquoi sagrégent des scénographies spectaculaires
durables ou la valorisation de pièces à forte capacité
démotion, avec le renouvellement de manifestations traitant
dans certains cas de questions plus ardues ou intéressant des
catégories particulières de la population.
Lhistoire étant une recomposition problématique
du passé, la dimension critique reste en tout cas essentielle.
Elle sapplique à la confrontation des savoirs et à
une mise en question des pièces présentées. Cependant,
lorganisation générale doit être claire
et comporter peu de messages. Souvent chronologique parce que les
études de public montrent la forte préférence
pour une telle structure, elle insère dans la chronologie des
thématiques lisibles, et, dans un second temps, dautres
à perception plus ardue.
Enfin, il faut songer à la présence du musée
ou du site hors les murs. La visite virtuelle, offrant des informations
à des degrés divers, prépare la visite réelle
ou la complète. Elle devient une valorisation importante et
permet des modes de diffusion des savoirs diversifiés. Elle
évite également de trop lourds dispositifs daccompagnement
in situ. haut
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